Qu’est-ce que l’éducation populaire ?
Il n’existe pas de définition instituée de ce qu’est l’éducation populaire, et c’est sans doute très bien comme cela.
L’éducation populaire, c’est avant tout l’ambition de ne pas séparer l’action et l’analyse, de ne pas séparer celles et ceux qui font, celles et ceux qui réfléchissent, celles et ceux qui décident. C’est en cela que l’éducation populaire est directement liée aux pratiques d’autogestion (de nos activités, de nos luttes, de l’économie).
L’éducation populaire, ce n’est pas éduquer le peuple.
Ce n’est pas apporter la conscience de l’extérieur à des personnes qu’on considérait comme “à conscientiser”. Ce sont des dynamiques collectives qui permettent aux dominé·es de développer ensemble une compréhension critique de la société et des origines des inégalités sociales. Il s’agit de se donner les moyens de comprendre le monde pour pouvoir le transformer.
L’éducation populaire est engagée.
Pour cela, l’éducation populaire nous invite à travailler à partir de nos situations pour les analyser, les comprendre, agir pour les transformer. L’objectif étant de transformer la société, les démarches d’éducation populaire ne sauraient être neutres.
L’éducation populaire, ce n’est pas vulgariser des savoirs.
L’objet n’est pas la diffusion de savoirs (qui peut en revanche être un moyen, même s’il est loin d’être le seul), mais de favoriser l’émancipation et l’émergence de mouvements sociaux de transformation sociale portés directement par les personnes et les groupes sociaux qui subissent des mécanismes structurels d’oppression (économique, raciste, genrée, …). Pour cela, on va peut-être favoriser l’appropriation des savoirs, mais on va surtout s’attacher à produire nos propres savoirs, que l’on pourra alors croiser avec d’autres savoirs, savants ou issus de l'expérience d’autres personnes et groupes sociaux.
L’objectif de l’éducation populaire est l’émancipation de chacun.
Par émancipation, on désigne un processus jamais terminé qui se décline conjointement dans deux directions :
- Développer notre compréhension du monde : remettre en question et déconstruire ce qui paraît être des évidences, des normes (ce qui paraît être normal mais qui ne l’est pas forcément), développer une lecture critique de la culture dominante ;
- Développer notre capacité à avoir prise sur le monde : dépasser notre auto-censure, développer notre pouvoir d’agir, notre audace, oser, et pour cela, apprendre en faisant, expérimenter, nous autoriser à tenter et donc parfois à échouer.
L’objectif de l’émancipation est de sortir collectivement de la place qui nous a été assignée par les rapports sociaux.
L’éducation populaire consiste en des démarches collectives.
Les démarches collectives de l’éducation populaire nous amènent à prendre du recul sur les situations insatisfaisantes voire insupportables que nous rencontrons, à les analyser, à travailler ensemble les contradictions qui sont en jeu, à définir les modes d’action pour transformer ces situations.
L’éducation populaire c’est une démarche à long terme.
Elle nous invite à prendre le contrôle de nos actions, et implique de sortir de notre entre-soi pour aller vers une auto-organisation des personnes et des groupes sociaux qui sont habituellement exclus des cadres de réflexion et de décision. En tant que pratique d’autogestion, les démarches d’éducation populaire ne sont généralement pas mises en place pour elles-mêmes, mais à l’occasion d’autres choses.
Car l’action et la lutte ont en elles-mêmes une valeur pédagogique : agir et avoir une réflexivité sur son action, cela doit nous permettre de créer une culture et des pratiques politiques, et c’est cela l’éducation populaire.
Très souvent, les démarches d’éducation populaire menées par les collectifs ne sont pas qualifiées en tant que telles. Les nommer, les penser, en tant que pratiques d’éducation populaire, cela permet de les valoriser, de leur donner une réelle place, du temps et de les évaluer.
La posture de l’éducation populaire
“Personne n’éduque personne, personne ne s’éduque seul, les Hommes s’éduquent ensemble par l’intermédiaire du monde”
Paulo Freire, Pédagogie des opprimés, 1974
La posture d’éducation populaire est une posture d’accompagnement. Il ne s’agit pas de transmettre, et encore moins de convaincre, mais d’accompagner la production d’une pensée critique, en partant de là où sont les gens, et non pas de là où on voudrait qu’ils arrivent. Les accompagnateurs·rices d’éducation populaire n’assènent pas des vérités, iels ne disent pas aux gens ce qu’ils devraient penser : ils invitent au questionnement, en se raccrochant au réel et aux vécus des personnes.
On n’émancipe pas autrui : l’éducation populaire n’a rien d’une posture avant-gardiste ou prosélyte, mais une invitation à l’autogestion.